Arrivé cet hiver sur les bords de l’Erdre, Renaud Emond, 28 ans, découvre à Nantes un nouveau challenge. Après plusieurs années passées dans l’élite du football belge, celui qui sort de deux très belles saisons avec le Standard de Liège espère s'imposer sur le front de l'attaque nantaise. Rencontre avec un joueur, dont le parcours personnel et professionnel n’a pas toujours été de tout repos mais qui s’est battu avec pugnacité pour s’en sortir.
Renaud, où et quand as-tu commencé le football ?
"Mon tout premier club, c’est le Royal Excelsior Virton, ville d’où je suis originaire. Un jour, je me promenais au bord du terrain au côté de ma maman et l’entraîneur m’a convié à venir essayer. J’ai tout de suite aimé ça et n’ai jamais arrêté. Je pratiquais même un peu le basket mais au moment où tout s’est combiné, c’est devenu compliqué et je me suis penché vers le football. J’étais un vrai passionné donc pour moi, c’était la suite logique. Et un bon choix au final (rires)."
Avant-centre, est-ce une vocation depuis tout petit ?
"Ah ça, oui ! J’ai toujours été attiré par le but adverse. J’avais ça en moi et j’ai toujours continué à m’entraîner dans mon jardin, à frapper fort pour faire trembler les filets."
Aujourd’hui ton gabarit est plutôt imposant (1m86) mais lorsque tu étais plus jeune, tu te trouvais plutôt sous la courbe...
"Effectivement, jusqu’à la catégorie U17, j’étais un petit gabarit, pas très costaud. Et vers l’âge de 16 ans j’ai eu ma vraie poussée de croissance. Concernant mon jeu, ça n’a pas spécialement changé. J’ai continué à progresser et évoluer dans tous les domaines. C’est vrai que ça m’a quand même aidé quand je suis arrivé dans le monde adulte parce qu’il fallait répondre à l’impact physique."
“Plus jeune, je me suis un peu retrouvé livré à moi-même .”
Comment s’est passée ta formation à Virton ?
"Chez les jeunes, j’ai toujours été le meilleur buteur de ma formation donc l’évolution vers les championnats seniors s’est faite logiquement et normalement, jusqu’aux U19. J’ai vraiment passé un cap à cette période. J’alternais entre les jeunes et l’équipe réserve. Sur la saison, j’ai inscrit entre 40 et 50 buts, il me semble. Suite à mes performances, j’ai pu avoir ma chance en équipe première."
Plus jeune, tu as été marqué par le divorce de tes parents. Le football t’a-t-il aidé à surmonter cette période difficile ?
Oui, ça fait partie de mon histoire et le football m’a aidé à me vider la tête. J’étais jeune quand mes parents se sont séparés et ce n’est jamais simple pour un enfant de gérer ça, surtout que je me suis un peu retrouvé livré à moi-même. J’ai pu développer une forme de maturité plus précoce que les personnes de mon âge. Après l’école, j’étais ravi de pouvoir aller me défouler sur un terrain et le week-end, de marquer pour mon équipe, c’était très positif pour moi."
La consécration de toutes ces années, de tous ces sacrifices, arrive en 2012-2013 avec la montée du Royal Excelsior de Virton en 2ème division belge...
"Pour un enfant de Virton, c’était un très grand moment. J’ai évolué de la formation jusqu’à l’équipe première dans ce Club. Ça a été un grand honneur de pouvoir accéder au second échelon national et de terminer meilleur buteur. Avec la Coupe, j’ai marqué 31 buts donc évidemment, c’était extraordinaire et tout le monde était très fier."
Ton papa était Président de Vitron à cette époque. Était-ce une manière de faire taire quelques mauvaises langues, qui pouvaient penser que tu avais ta place grâce à lui ?
"Pas particulièrement, j’étais déjà dans l’équipe première et j’ai rapidement prouvé sur le terrain que j’avais ma place. C’est sûrement ce qui m’a permis d’évoluer sereinement et de réaliser cette superbe saison. Je me rappelle quand même qu’il était venu me demander si ça me dérangeait qu’il devienne Président et que je luis avais répondu «oui», alors qu’il avait pris le poste avant tout pour tenter de sauver Virton."
Cet exercice prolifique t’offre la possibilité de signer ton premier contrat en Jupiler Pro League en 2013-2014, avec un choix qui a quelque peu surpris ton entourage !
"Oui, je pense en effet qu’en signant à Waasland-Beveren, j’ai étonné ma famille. J’étais suivi par plusieurs formations mais j’ai fait ce choix parce qu’au fond de moi, je le sentais bien. J’avais ressenti une vraie volonté de leur part de me voir porter ce maillot. Le projet était intéressant et leur progression constante. Ma première saison a été une période d’apprentissage puisque je suis passé de la D3 à la D1 et j’ai découvert le monde professionnel. Ensuite, j’ai répondu aux attentes de mes dirigeants et c’était ce qui était prévu dans le plan avec eux. Ça a été un vrai tremplin."
“Waasland-Beveren était prêt à tout pour moi, même à suivre mon papa aux urinoirs”
Ton papa a raconté une anecdote assez drôle sur le premier contact avec Waasland- Beveren, es-tu au courant ?
"(Il sourit). Il m’en a parlé effectivement. Je savais qu’il y avait un match où de nombreux recruteurs étaient là pour moi, parce que je m’affirmais peu à peu sur le terrain. Ils étaient allé jusqu’à le suivre ’aux urinoirs pour le convaincre que je signe chez eux. C’est une histoire assez drôle oui !"
Ce choix payant te permet ensuite de rejoindre le Standard de Liège en août 2015, l’un des clubs phares de ton pays. Était-ce un rêve ?
"Le Standard, c’était mon club de cœur depuis tout jeune et pouvoir porter ce maillot, c’était un rêve, oui. Comme un symbole, j’avais marqué mon premier but dans l’élite au Stade de Sclessin (ou stade Mauris Dufrasne, enceinte où évolue le Standard de Liège ndlr.) avec Waasland-Beveren donc dès que j’ai pu sauter sur cette opportunité, je l’ai fait. C’était une suite logique pour moi."
Le paradoxe de cette opportunité au Standard, c’est que quelques mois après la signature de ton contrat, tu vas vivre une des périodes les plus délicates de ta carrière...
"Pour être franc, c’était assez difficile. Je viens de signer et un mois après, toute la direction a changé et les gens qui m’ont fait venir au Standard, ne sont plus là . Les nouvelles personnes veulent faire confiance aux joueurs qu’ils connaissent. À cet instant, je comprends que je ne rentre pas dans les plans de la nouvelle direction. Mais je ne suis pas quelqu’un qui baisse les bras et j’ai un mental assez costaud. Je voyais tous les jours à l’entraînement que j’avais le niveau et c’était injuste. Il fallait que je le démontre. J’ai finalement réussi à le faire par la suite et j’en suis très fier."
Parmi ceux qui t’ont aidé, il y a eu José Jeunechamps, alors nommé entraîneur par intérim à l’entame des playoffs...
"Oui il est arrivé mi-avril avant de partir en juin. Il m’a donné ma chance à ce moment important de la saison. Il est venu me parler et m’a dit qu’il croyait en moi, tout en ayant besoin que je me livre un peu à lui pour comprendre mes soucis. J’ai tout expliqué et ça m’a libéré. J’ai pu marquer sur les trois, quatre matches où j’ai eu ma chance. Même si j’ai dû batailler à nouveau avec un autre coach par la suite, je me suis définitivement lancé lors de la deuxième partie de saison."
“José Jeunechamps m’a demandé de me livrer pour comprendre mes soucis”
Avec le Standard, tu as aussi pu découvrir l’Europe. On imagine que tu as envie d’y goûter à nouveau ?
"Tout à fait. Jouer l’Europe, c’est quelque chose de spécial pour un joueur et j’espère vraiment avoir la possibilité d’y participer à nouveau. J’ai vraiment grandi grâce à ça parce qu’on se confronte à de nouvelles tactiques et de nouveaux systèmes de jeu selon les pays. C’est très enrichissant."
Tu comptes de nombreux tatouages. Sont-ils là pour te rappeler ce que tu as enduré par le passé ?
"Les tatouages, c’est un peu l’histoire de ma vie, avec tout ce que j’ai vécu jusqu’ici. En effet, ça me permet aussi de me souvenir des moments plus difficiles que j’ai dû surmonter. Je suis très fier d’avoir ça en moi."
À titre personnel, est-ce que l’expression «Renard des surfaces» te correspond bien ?
"Oui, ça peut me caractériser dans le sens où je marque beaucoup dans la surface. J’aime recevoir des ballons dans cette zone. Après, je reste aussi un attaquant qui court beaucoup sur le terrain et qui aide l’équipe à défendre, tout en libérant également des espaces pour mes coéquipiers autour de moi."
“Je pense que le public aime un attaquant généreux et lucide à la fois”
Est-ce que selon toi, la générosité dans le jeu et la lucidité devant le but sont compatibles ?
"Oui, après il ne faut pas se le cacher : parfois, on peut rater une ou deux occasions à cause de ça justement, mais je ne changerai pas qui je suis. C’est ma façon d’être sur le terrain. Je mouille le maillot et si on peut allier les deux, je pense que c’est beau et le public aime ça."
Tu as souvent eu le brassard de capitaine ces derniers temps au Standard. Est-ce quelque chose que tu apprécies ?
"J’ai un peu ça en moi en effet dans le sens où j’ai souvent été capitaine avec les jeunes. Après, j’ai besoin d’avoir la confiance de tout le monde pour être un vrai leader et une fois que je l’ai, je peux le devenir. J’aime aider les plus jeunes et du haut de mes 28 ans, je commence à avoir un peu d’expérience."
Tu n’as jamais été convoqué avec l’équipe nationale de Belgique. Peut-on parler d’un regret ou encore d’un rêve ?
"Sincèrement, c’est un objectif. Je suis quelqu’un d’ambitieux, même si je sais que ça sera compliqué parce que maintenant, la sélection a un niveau incroyable. Je pense qu’il y a 10 ans de ça, j’aurais sûrement eu de nombreuses sélections au compteur. Mais y accéder maintenant, ce serait encore plus beau parce que l’équipe est première mondiale et joue pour gagner les plus grandes compétitions. J’ai envie de me battre pour ça, du moins tout tenter. Si je n’y arrive pas, je n’aurais pas de regret."
Le FC Nantes et la Ligue 1 peuvent-il t’aider à atteindre cet objectif ?
"Ça a clairement joué dans mon choix. Le FC Nantes est un très bon club de l’élite en France, qui joue le haut du tableau et si je peux me montrer dans ce championnat très suivi, j’ai encore plus de chances d’y arriver qu’en évoluant dans le championnat belge."
Comment s’est déroulée ton adaptation au Club ?
"Tout a été incroyablement vite. Je suis très heureux d’être arrivé ici et quand je vois l’accueil que j’ai reçu de la part des joueurs, des salariés et des supporters, ça me fait chaud au cœur. En peu de temps, je me sens déjà un vrai jaune et vert !"
Est-ce que la philosophie de jeu et les idées mises en place par le coach sont fidèles à ta vision du football ?
"Quand j’ai entendu son discours pour la première fois, c’est exactement ma façon de jouer. Ce qu’il m’a dit et ce qu’il attendait de son attaquant au cœur de l’équipe, c’est ma philosophie. C’est évidemment ce qui a aussi joué dans ma décision. J’espère pouvoir lui prouver qu’il aura raison de me faire confiance."
Par M.G