Sur les terrains, Ciprian Tatrusanu offre à tous un visage sérieux et concentré. Elu Canari du mois de septembre par les supporters, le portier roumain s’est montré précieux au sein de l’effectif nantais, malgré le début de saison difficile. Un peu plus d’un an après son arrivée sur les rives de l’Erdre, « Tata » se confie sur ses débuts dans le football, sa vie hors des terrains et les spécificités du poste de gardien de but dans un entretien entièrement réalisé en français.
Pour commencer, doit-on t’appeler Ciprian ou plutôt utiliser Tata, ton surnom ?
Je pense qu’il n’y a que ma mère qui m’appelle encore Ciprian aujourd’hui. Pour tout le monde, au club et en dehors, je suis Tata.
Peux-tu nous raconter tes débuts dans le football ?
J’ai débuté le football un petit peu tard. J’avais 9 ans quand j’ai commencé. Au départ, je jouais tous les jours avec les enfants de mon quartier, à l’école ou au parc. J’avais un ami qui était inscrit dans un club donc nous l’avons tous rejoint là -bas. Avec le temps, beaucoup de mes camarades ont arrêté le football mais moi je suis resté et j’ai continué.
Etait-ce une vocation de devenir gardien de but ?
Non, j’ai commencé par jouer dans le champ pendant quelques mois. Je suis passé dans les buts lors d’un stage de perfectionnement que nous faisions en bord de mer pendant l’été. Le coach nous faisait beaucoup courir dans le sable alors que les gardiens ne faisaient que quelques plongeons pour arrêter des ballons. A cet âge-là , on essayait tous d’esquiver le travail physique qui était assez rébarbatif. J’ai donc demandé au coach si je pouvais faire un essai dans les buts. Comme j’étais grand, il a accepté. L’essai a été concluant et depuis tout ce temps, j’ai conservé le poste de gardien.
Mais je vous rassure, aujourd’hui, je ne suis plus gardien par flemme de courir. En devenant professionnel, cela fait partie du programme d’entraînement de tout le groupe et les gardiens ne sont pas privilégiés.
Qu’est-ce qui te plaît dans le poste de gardien ?
Il y a plusieurs aspects qui sont importants : la direction de la défense, la vision globale du jeu sur le terrain... Mais je pense que pour tous les gardiens du monde, le plus grand plaisir c’est de faire un arrêt. C’est à la fois un plaisir et une nécessité parce que c’est pour cette raison que nous sommes sur le terrain. Quand l’équipe est en difficulté et que je réalise une parade, je vois le score rester où il en est : c’est le plus important !
Que se passe-t-il dans ta tête quand tu arrêtes un pénalty comme tu l’as fait face à l’Olympique Lyonnais (1-1, le 29 septembre dernier) ? On imagine que c’est comme marquer un but...
Je pense que c’est une plus grande joie que celle de marquer un but. Ou peut-être que c’est équivalent au fait de marquer le but de la victoire au bout du temps additionnel ! Arrêter un pénalty est bien plus difficile que faire une intervention dans le jeu. Il est toujours question de bien sentir les choses et d’anticipation. Si tu n’anticipes pas un tout petit peu, c’est presque impossible de détourner les tirs. C’est un exercice que je travaille parfois à la vidéo avec l’entraîneur des gardiens, mais je ne m’y attarde pas parce qu’il y a toujours une part de chance.
Face à Lyon, tes nombreux arrêts ont permis à l’équipe de conserver le point du match nul. Peut-on parler de ton meilleur match en jaune et vert ?
C’est difficile à dire. J’ai arrêté mon premier pénalty depuis mon arrivée en France pendant la rencontre et nous sommes revenus avec un bon point de Lyon. C’était forcément un bon match pour moi. Mais mes meilleurs matches, ce sont toujours ceux où l’équipe gagne à la fin. Il n’y a que dans ces circonstances que je suis vraiment satisfait au coup de sifflet final.
Tu as beaucoup voyagé au cours de ta carrière. Comment s’est passée ton acclimatation dans de nouveaux pays ?
Ce n’était pas si difficile de quitter la Roumanie pour partir jouer à l’étranger. Quand j’ai rejoint la Serie A, à Florence, j’ai quitté une grande ville comme Bucarest pour une autre où la vie n’est pas très différente. A Florence comme à Nantes, j’ai eu la chance de jouer dans des villes attractives en plus d’être très belles. A partir du moment où ma femme et mes enfants m’accompagnent dans ces changements, je me sens très bien.
Qu’aimes-tu faire à Nantes quand tu as du temps libre ?
J’aime simplement profiter du centre- ville et m’y promener. Quand nous avons du temps le midi, nous essayons d’aller manger à l’extérieur avec ma femme. J’aime également le cinéma mais ce n’est pas facile d’aller voir des séances en France. Je ne suis pas toujours à l’aise avec les voix françaises et de toute façon, je préfère regarder les films en version originale pour entendre la vraie voix des acteurs.
Après seulement une année à Nantes, tu parles déjà très bien français...
Apprendre le français était un de mes objectifs en venant ici. C’est une jolie langue qui est parlée dans de nombreux pays du monde. Je n’ai pas rencontré trop de difficultés d’apprentissage car c’est une langue latine, comme le roumain et l’italien que je parle déjà . Il y a beaucoup de similitudes.
Comment te décrirais-tu en tant que joueur ?
Je dirai que Tata est un bon gardien même si je peux continuer à progresser. Je veux m’améliorer dans tous les domaines puisqu’il n’y en a aucun pour lequel je peux me dire que je suis arrivé au maximum de mes capacités. Je suis fier de ce que j’ai réalisé dans ma carrière jusqu’à présent mais je préfère regarder vers l’avant pour en faire toujours plus.
Et en tant qu’homme ?
Il faudrait demander à quelqu’un d’autre ! A première vue, je passe pour quelqu’un de très sérieux, toujours concentré et qui ne plaisante pas beaucoup. Mais en réalité, c’est tout l’inverse. J’aime blaguer avec mes coéquipiers dans le vestiaire et dans la vie de tous les jours. En revanche, sur le terrain, il n’y a pas de place pour la rigolade. J’ai besoin de rester concentré de la première à la dernière minute pour bien faire mon travail. En tant que gardien, la moindre erreur se paye par un but. Je pense que c’est pour cette raison que tout le monde pense que je suis très sérieux.
Tu as évolué dans plusieurs championnats européens. Quel regard portes-tu sur la Ligue 1 ?
En France, le jeu va très vite. Presque toutes les équipes jouent en contre-attaque et misent sur la force physique et la présence dans le duels. En Serie A, c’est plus tactique et les équipes attendent davantage tandis qu’en Roumanie, c’est encore un style différent.
Il me semble que le style de jeu de la Ligue 1 est attractif pour les supporters et les téléspectateurs. Pour les gardiens, il y a beaucoup de travail. L’adversaire approche
plus souvent de ton but et les attaques vont souvent très vite. Il faut être vigilant à chaque instant.
On te voit régulièrement prodiguer des conseils aux autres gardiens lors des entraînements. Te sens-tu investi d’un rôle particulier auprès d’eux ?
J’essaye, autant que possible, de donner des conseils à Alexandre Olliero et Quentin Braat, ainsi qu’aux gardiens du centre de formation qui viennent parfois s’entraîner avec nous. Au quotidien, nous formons un vrai groupe de travail avec Maxime Dupé
qui est plus experimenté. Nous discutons pour progresser tous ensemble. Je leur donne des conseils mais j’en prends aussi auprès d’eux. Il n’y a que de cette façon que l’on s’améliore.
Le coach Vahid Halilhodzic est arrivé au club très récemment. Comment vis-tu ce changement ?
Cette situation n’est pas nouvelle pour moi, même si ce n’est jamais facile à négocier. Les changements d’entraîneur font partie de la vie d’un footballeur professionnel. Personnellement, je ne connaissais le coach Halilhodzic que de nom avant sa venue. C’est un ancien du club ce qui, à mon avis, peut être bénéfique pour le groupe. Nous devons nous adapter très vite au travail qu’il va mettre en place parce qu’à la fin, on a juste besoin de gagner tous ensemble.
Quels sont tes objectifs pour cette saison avec l’équipe nationale de Roumanie et avec le FC Nantes ?
Avec la sélection, nous sommes tournés vers les qualifications pour l’Euro 2020. J’aimerais qu’on décroche notre ticket pour la compétition, comme en 2016 où nous étions dans le groupe de la France.
Avec le FC Nantes, je souhaiterais seulement qu’on termine le plus haut possible. On fait un début de saison difficile mais on travaille dur avec le coach Halilhodzic. J’espère qu’on commencera à gagner dans les semaines qui viennent en débutant par la rencontre face à Toulouse. Je veux qu’on remonte au classement.
Par L.R.