18 mai 2020

''J'étais têtu à l'époque...''

Claudiu Keseru

Arrivé sur les bords de l'Erdre en 2003 à seulement 16 ans et demi depuis sa Roumanie natale, Claudiu Keseru (33 ans) évolue actuellement en Bulgarie dans les rangs du Ludogorets Razgrad, club avec lequel il vient de prolonger son contrat jusqu'en 2022. Aujourd'hui, l'ancien nantais s'épanouit et affole les compteurs. Son confinement, ses performances sur la scène européenne avec Ludogorets, ses souvenirs de son arrivée à Nantes et de certaines rencontres, son rapport avec les supporters, il se confie. Entretien.

Bonjour Claudiu, comment vas-tu et comment as-tu vécu le confinement en Bulgarie ?

Claudiu KESERU : "Je vais très bien, merci. Pour être honnête, je pense que la Bulgarie était le meilleur endroit possible durant le confinement. J'ai pu sortir de chez moi très souvent pour aller courir, jusqu'au centre d'entraînement (14 kilomètres aller-retour). Je faisais ça six fois par semaine. Les parcs étaient ouverts donc on pouvait se promener, seul, pas en groupe mais c'était très appréciable. Désormais, beaucoup de choses on pu ré-ouvrir comme les terrasses des restaurants par exemple."

Avais-tu des consignes à suivre de la part de ton club ?

"Au départ, on devait vraiment limiter les déplacements mais rapidement et en voyant qu'il y avait très peu de cas dans le pays et même pas du tout au cœur de la ville à Razgrad, c'est devenu un peu plus souple. On a repris l'entraînement collectif il y a une semaine maintenant."

L'objectif c'est de conclure le championnat et de remporter un 9ème sacre de rang, ce qui serait le 5ème pour toi !

"Cette année, et ce malgré les changements d'entraîneurs principaux (trois coachs différents depuis le début de l'exercice, ndlr), on réalisait quelque chose de très fort. On est parvenu à ne pas connaître la défaite en championnat (16 victoires, 7 nuls) et on a également réussi à se hisser en 16èmes de finale de Ligue Europa, même si on s'est incliné face à l'Inter Milan (0-2, 2-1, 4-1 en score cumulé). À titre personnel, c'est également une très belle saison (12 buts en championnat)."

Avec cette formation de Ludogorets, on a l'impression que tu continues année après année à te montrer encore plus à ton avantage !

"C'est vrai qu'en France par exemple, je n'ai pas eu l'opportunité de jouer une place en Ligue Europa ou en Ligue des Champions. J'ai découvert les compétitions européennes en 2014 avec le Steaua Bucarest et on avait perdu les barrages pour accéder à la Ligue des Champions contre... Ludogorets ! C'est là que j'ai pu connaître cette équipe et j'avais tout de suite apprécié le style de jeu affiché. Au moment où je suis parti au Qatar (février 2015 - août 2015), le coach de la sélection nationale m'a dit que c'était mieux pour moi de jouer dans un championnat européen. À mon retour, j'ai tout de suite su qu'il fallait que j'aille à Ludogorets."

Un choix payant puisque tu as tout de suite su te montrer décisif pour l'équipe, tout en remportant de nombreux trophées !

"C'est vrai. Même avec le Steaua Bucarest, lors de la saison 2014-2015, on avait remporté quatre trophées sur l'année. Ensuite, j'ai enchaîné avec Ludogorets : deux Supercoupes et quatre championnats ! On file tout droit vers un cinquième sacre, c'est très plaisant évidemment. Ce qui me plaît beaucoup, c'est d'avoir cette pression et d'être attendu à chaque match, chaque saison. Le Bulgarie se découvre vraiment de l'intérêt pour le football. On joue devant 2000 personnes le week-end, en Ligue Europa on peut atteindre 8 000 personnes et en Ligue des Champions, près de 30 000 spectateurs assistent à nos rencontres ! Tout le pays est avec nous sur cette compétition, car on le représente sur la scène européenne."

Tu es arrivé à l'âge de 16 ans et demi à Nantes, après avoir quitté la Roumanie pour la première fois. Quels souvenirs as-tu de ce moment très fort, qui marquait vraiment le début de ta carrière ?

"Je me souviens très bien de mon arrivée. Serge Le Dizet et Jacky Soulard m'ont pris sous leur aile, avec mes parents. Ce dernier m'attendait à l'aéroport avec le frère de Christian Karembeu. Il a été mon guide à Nantes. Ça me fait remonter beaucoup de bons souvenirs, notamment en évoquant le nom de Serge Le Dizet. C'est sans doute la personne qui m'a le plus marqué ici au FC Nantes."

Tu as eu ta chance en Ligue 1, après de bonnes performances avec les équipes de jeunes. Quels souvenirs gardes-tu de ces saisons dans l'élite, sous le maillot nantais ?

"J'ai eu la chance d'intégrer un groupe qui était extraordinaire, avec des gars qui ont beaucoup essayé de m'aider. Mais je l'avoue, j'étais extrêmement têtu. Je n'écoutais pas et je n'en faisais qu'à ma tête. Des garçons comme Micka (Landreau), Da Roch' (Da Rocha), Nico' Savinaud, Olive' Quint, Jean-Jacques Pierre… Ils me conseillaient énormément mais c'était mon époque de "folie". Je n'avais pas encore acquis une forme de maturité pour baisser l'oreille et écouter. Petit à petit et quelques années plus tard, je suis arrivé à cette conclusion.
Concernant les rencontres, je me souviens encore très bien du match à La Beaujoire contre Rennes (janvier 2005), ma première titularisation avec ce lob sur Isaksson et une victoire 2-0. Quelle joie à ce moment-là ! J'ai également en tête, un match contre Saint-Étienne (1-1, 15 octobre 2005). Je l'avais joué avec une entorse acromio-claviculaire et une fracture. Je ne voulais pas me faire opérer pour jouer contre les Verts à la maison. Sur mon premier ballon et après deux minutes de jeu, je lobe Janot pour ouvrir le score. En 2005, on a aussi fait tomber l'OL (2ème tour, 1-1, 5-4 t.a.b). Formidable."

Aurais-tu aimé faire encore plus avec le FC Nantes, dans ta carrière ?

"Pour être sincère, je ne regrette jamais ce que j'ai pu faire dans ma vie. Mais, c'est sûr que j'aurais pu donner encore davantage lors de mon passage dans ce grand club qu'est le FC Nantes. En revanche, toutes les "bêtises" que j'ai pu faire en étant plus jeune, ont pu m'aider à grandir et à atteindre ma maturité sportive lorsque j'étais un peu plus âgé. Je suis persuadé que c'est la différence entre un jeune homme des pays de l'Est et un jeune français par exemple. En France, un jeune peut atteindre sa maturité sportive vers 20-22 ans et peut-être qu'un garçon des pays de l'Est l'atteindra plus tard (25-27 ans). Selon moi, c'est à cet âge-là qu'on prend conscience que ce qu'on doit apprendre. Moi, j'ai beaucoup appris. Si j'avais à refaire ce choix de quitter ma famille aussi jeune, je le referais les yeux fermés, même si j'ai passé de nombreuses nuits à pleurer dans ma chambre au centre, durant deux, trois mois. Ces moments étaient uniques et j'ai pu me forger mon caractère. Je suis arrivé comme un enfant ici et je suis parti comme un homme, prêt à affronter la vie et affronter mes responsabilités."

Cet été, il devait y avoir l'Euro 2020, dans plusieurs villes d'Europe. En raison du Covid-19, le tournoi a été reporté. Avec ta sélection, vous étiez toujours en course pour vous qualifier avec les barrages face à l'Islande. Est-ce ton dernier grand objectif dans ta carrière ?

"Honnêtement, ça, c'est un bonus ! J'ai joué un championnat d'Europe pour mon pays en 2016, en France, avec une saveur vraiment particulière. J'ai disputé la Ligue des Champions et j'ai marqué dans cette compétition, j'ai pris part à la Ligue Europa, j'ai marqué aussi dans cette épreuve… Il ne me reste plus qu'à marquer à l'Euro maintenant (rires). J'ai des choses à apprendre, même à mon âge et je cherche encore et m'améliorer. Je prendrais tout ce qui sera encore à prendre, à bras ouverts."

À 33 ans, as-tu déjà pensé à ton après-carrière ? Professeur de mathématiques ? Professeur de langues ?

"(Il rigole). Alors c'est vrai que j'adorais les mathématiques depuis tout jeune et en ce qui concerne les langues, j'en parle cinq effectivement. Plus sérieusement, j'ai envie d'associer toutes les choses que j'aime et je veux connaître une carrière d'entraîneur. J'ai déjà commencé à préparer mes diplômes et plus tard, je me vois bien comme entraîneur-formateur, un peu comme Serge Le Dizet qui a franchi le pas en entrant dans le monde professionnel."

La Beaujoire, ton lien avec les supporters,… Que veux-tu retenir de tout ce que tu as vécu dans ce stade ?

"Je me souviens parfaitement de la Tribune Loire qui réalisait des "descentes", du haut vers le bas de la tribune, après mes buts. C'était fantastique.
Je vais également retenir un souvenir qui est de nature moins plaisante mais qui restera toujours marqué en moi, c'est ce match face à Toulouse, le 19 mai 2007. Au moment de l'envahissement du terrain, plusieurs supporters sont venus me voir en courant. Je n'ai pas eu la force de réagir mais ils m'ont pris dans leurs bras, pour me protéger et me ramener jusqu'au tunnel. Je ne regardais pas quand ils ont fait irruption sur la pelouse et je suis resté figé, sans comprendre ce qu'il se passait. Mais j'ai toujours tout donné pour le Club. Je suis un passionné et je voudrais malgré tout les remercier pour tout ce qu'ils m'ont apporté, sous le maillot nantais mais aussi lors de mes passages dans d'autres clubs ! C'est assez incroyable mais à chaque fois que je revenais à La Beaujoire, ils criaient mon nom pour que je rentre sur le terrain, ou lorsque je jouais. J'en ai encore la chair de poule aujourd'hui. En tant qu'homme, en tant que footballeur, c'est très difficile d'expliquer ça. Il faut le vivre pour le comprendre."

Par M.G


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